Le calvaire de Jessica

Le calvaire de Jessica

Une enquête de Tecumseh Shapiro

FF Valberg


EUR 19,90

Format: 13,5 x 21,5 cm
Nombre de pages: 390
ISBN: 978-3-99048-642-9
Date de publication: 27.02.2024
Jessica ne sait rien du passé de son mari Frank. Est-il ce François Villars dont le crime a défrayé la chronique criminelle ? Tecumseh Shapiro enquête. La villa Paradiso de Saint-Jean-Cap-Ferrat livrera-t-elle son secret ?
Prologue


Les oiseaux lancent des cris rauques en venant raser la surface de l’océan.
Le hors-bord glisse sur les eaux calmes de la lagune. Des eaux lisses comme celles d’un lac, la surface n’est perturbée par aucun souffle de vent.
Il approche la petite embarcation des docks et son regard se pose sur les yachts et les voiliers amarrés aux appontements.
Il coupe le moteur. Le hors-bord continue quelques instants sur sa lancée, perd sa vitesse, s’immobilise.
Mieux vaut ne pas s’approcher de trop près.
Par précaution, il met ses lunettes de soleil.
Aurait-il été préférable d’envoyer un article anonyme à un des journaux à sensation ? À la réflexion, il avait écarté l’idée. Les anciennes coupures de presse du procès feraient aussi l’affaire.
Il saisit les jumelles et les braque sur l’objectif : Le Cormoran.
Un yacht splendide, éblouissant de blancheur, avec ses ponts immaculés, sa coque racée.
« Il n’y a pas de doute, murmure-t-il, le bateau est un rêve. »
Il ne peut déceler aucune présence à bord.
Quelle sera la réaction de la femme ?
A-t-elle déjà lu ?
Villars a-t-il dit à Jessica qu’il est veuf ?
Il espère que non.
Villars est un homme secret, introverti.
Il l’avait amplement prouvé lors de l’instruction de son procès.
Il n’avait rien livré de son passé et c’était parfait.
Et s’il avait quand même révélé la vérité à Jessica ?
Alors tout le plan foirait et tombait dans les eaux glacées de la Bérézina.
Il a soudain la gorge nouée et les mains moites.
Je lance un dard empoisonné dans le cœur de Jessica.
Il imagine avec délectation le visage de Jessica à la lecture de l’article, ses traits brusquement décomposés par la révélation brutale !
Puis, le doute tisserait sa toile d’araignée autour d’elle. L’angoisse et le désespoir l’envahiraient.

Le venin agirait.
Ils seraient tous les deux pris dans l’engrenage.
Et cet engrenage serait inexorable, implacable.
Dans le cabinet d’instruction, le juge lancerait de nouveau à Villars :
« Cette fois-ci, vous ne jouerez plus au plus malin avec la justice !
Cette fois-ci, vous êtes pris dans la nasse, il n’y a pas d’échappatoire !
Cette fois-ci, la vérité éclatera au grand jour ! »
La vérité que vous êtes l’assassin de votre femme.
Villars serait de nouveau mis en examen.

Le lien serait établi.
Bientôt, le présent et le passé seront liés. Comme le jour et la nuit, l’ombre et la lumière, Dieu et le diable.
Les traits de son visage se contractent.
Avec un ricanement sinistre, il remet le moteur de son hors-bord en marche.

Je suis Raven.

Le Corbeau noir. Le corbeau noir de noir. Raven, le messager funeste.
Comme Le Corbeau de Clouzot, je suis aux abois. Comme Les Oiseaux de Hitchcock, je fonds sur ma proie.
Après mes divers passages, il ne restera que des os.
Des os rongés, dérisoires vestiges d’un bonheur passé.
Il ne restera que des os.
Mais pas d’indices et pas de preuves.

Je suis Raven.
Le mystérieux et insaisissable Raven.



I LES OMBRES DU PASSE Frank Deveraux


1

Jessica Holmes.
Le journal de Jessica.

Ce jour-là, Jessica nota dans son journal :

Je veux pratiquer la politique de la terre brûlée.
Lors de ma retraite, je détruis tout, ne laissant que des ruines derrière moi. À dire vrai, même pas des ruines, mais seulement de la terre vierge.

Telle est bien mon intention, mais je me demande si l’on peut effacer le passé d’un coup de baguette magique.
Pour détruire mon passé, il me faudrait éliminer le témoin.
Le témoin que je contemple maintenant d’un air songeur. Il a l’air inoffensif, neutre, terne, sans vie. Décolorée, sa peau cuivrée comporte des taches de vieillesse.
Il n’est pas facile de se défaire de quelqu’un qui a été votre compagnon pendant plus d’une année. On s’attache à lui, des liens se créent.
Certes, il est des gens capables de rompre brutalement, sans remords ni regret. Je crains que je ne le puisse pas. Pour détruire mon témoin, il me faut le toucher. Je me sens incapable d’un geste brutal, décisif, irréversible.
Tant pis. Je le touche.
Dès que je le touche, il prend vie.
Les images surgissent en moi.
J’ouvre mon journal au hasard.

Je tombe sur une journée d’automne.
Un mauvais choix, car il n’est pas question seulement de cœur blessé, de langueur monotone. C’est la déchirure, la torture de l’incertitude atroce. Le désespoir, le trou noir. La question qui me ronge : la culpabilité ou l’innocence…
La page me brûle les doigts.
Je referme le journal d’un coup sec. Je ferme les yeux.
Je laisse encore une fois le hasard faire le choix.
Pas de chance non plus.

Une page d’hiver, froide comme la lame d’un poignard.
Je n’aime pas me souvenir de ces journées.
Je ferme le journal. En vérité, je le lâche comme si j’avais touché par mégarde un crotale.
Même aujourd’hui – aujourd’hui que tout est terminé –, un frisson glacé s’est emparé de moi.
Je sens que je ne suis pas encore prête pour détruire mon témoignage.
Mon regard erre à travers la porte-fenêtre de la bibliothèque.

Dehors, les premiers signes annonciateurs du printemps.
J’éprouve soudain un sentiment de calme serein. Dehors tout renaît.
Moi aussi, j’ai le sentiment de renaître après la terrible épreuve que je viens de traverser. Mon regard revient au journal posé devant moi sur le bureau.
Comme si ce sacré journal exerçait sur moi une attirance irrésistible ; comme si des chaînes me reliaient toujours à mon passé.
Aujourd’hui, je me sens encore incapable de jeter mon passé aux orties.
Et pourtant j’y parviendrai. Juré !
Mon passé sera bientôt une période préhistorique dont j’ignore tout.
Le retour en arrière ne sera plus possible.

Le présent sera alors ma raison de vivre.
Le présent, c’est la vie paisible ici à El Capitán ; le chant des vaguelettes venant mourir sur le sable de la petite plage en bas des rochers de Bella Riva : les jours tranquilles sous le soleil californien.
Ce que Ben disait autrefois me revient en mémoire :
« Le passé est une partie de nous-mêmes. Quoi que nous fassions, il est impossible de nous en défaire. Le passé ne nous lâche jamais. Celui qui pense le contraire est piqué par la tarentule de l’illusion. C’est pire quand le passé est une montagne de mauvais souvenirs. Nous les traînons avec nous comme des boulets aux pieds. Le passé est un boomerang, il revient toujours ».
Non, non, le pauvre Ben avait tort.
Le passé et le présent ne sont pas indissolublement liés.
Je pousse un soupir.
Je retournerai maintenant une dernière fois en arrière.
Une toute dernière fois.
Ce sera ma catharsis.


2

Tout avait commencé en cette soirée de prin--
temps.
Si Ashlyn et moi n’avions pas décidé de flâner dans les rues de Santa Barbara, je n’aurais jamais fait la connaissance de Frank.
Je me demande si c’est cela le destin. Être au bon endroit au bon moment. Être au mauvais moment au mauvais endroit, tu es prise dans une fusillade et tu laisses ta vie…
Ashlyn est mon avocate et surtout mon amie.
Nous étions attablées à la terrasse d’un café.
— Tiens, dit-elle, voilà Frank.
J’ai suivi son regard. Un homme grand, mince, environ trente-cinq ans.
— Tu veux que je l’appelle à notre table ?
Je n’ai pas hésité.
— Ma foi, il n’a pas l’air mal du tout. Qui est-ce ?
— Frank Deveraux. Il est professeur à Berkeley. Il enseigne la criminologie.
Elle eut un petit gloussement.
— Si tu imagines un criminologue en homme sombre, ombrageux, maigre comme un rat, il n’a pas l’air de l’emploi.
— Quelle drôle d’idée ! Tu décris un croque-mort, ai-je dit à Ashlyn. Cet homme n’est sûrement pas un croque-mort. Dis-moi, comment le connais-tu ?
— J’ai suivi quelques-uns de ses cours.
— Ah bon, tu as un diplôme en criminologie ?
— Non, Jessie. Certains de ses cours m’intéressaient.
— Il doit y avoir des étudiantes qui se pâment pour lui…
— Ça se pourrait, dit-elle.
Je lui lançai un regard goguenard. Elle secoua la tête.
— Non, Jessie, tu te goures. Je n’avais que la criminologie en tête en suivant ses cours.
— Vrai ?
— Oui.
Entretemps, Frank Deveraux s’était approché et Ashlyn lui fit signe. Il vint à notre table.
Ashlyn fit les présentations.
Son regard bleu se posa sur moi. Il sourit.
— Si vous aviez été une de mes étudiantes, je vous aurais sans doute remarqué, dit-il.

Au cours des dernières semaines, je n’avais plus si souvent pensé à Ben.
Quelque chose était en train de se passer en moi. La fin du deuil approchait-elle ? Je n’en étais pas encore certaine. Dix-huit mois et demi se sont écoulés depuis ce jour fatal. Dix-huit longs mois de novembre, longs et tristes à mourir.
« Si jamais il m’arrivait quelque chose, m’avait-il dit, ne t’emmure pas dans le passé. La vie continuera.
— Qu’est-ce qui te fait dire cela ?

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